Sortons l’agriculture de la consommation aveugle de machines
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Lorsqu’on parle mécanisation agricole, peut-être pense-t-on encore au plan Marshall de 1945, un moment où ce sujet était investi par les politiques. Quelle est la trajectoire politique sur ce volet aujourd’hui ?
Tribune du Président de la Fédération Nationale des cuma, Matthieu Goehry
Lorsqu’on parle mécanisation agricole, peut-être pense t-on encore au plan Marshall de 1945, un moment où ce sujet était investi par les politiques. Quelle est la trajectoire politique sur ce volet aujourd’hui? Un impensé. Des appels à projets publics pour acheter très vite des machines. Un chantier décarbonation de l’agriculture mené par Bercy où l’enjeu est une électrification du parc. Une crise agricole qui fait l’impasse sur les coûts de production pour en sortir, alors même que les charges de mécanisation pèsent pour 18 milliards d’euros sur les 400 000 exploitations agricoles de France. Pour reprendre une des conclusions d’un récent rapport de la Fondation Jean Jaurès “si le secteur aval de l’agriculture fait l’objet d’un débat public permanent, celui de l’agrofourniture est quasiment occulté” [1]
L’ouverture de ce chantier est aussi celui de l’émancipation des agricultrices et agriculteurs face à des logiques de plus en plus intégratrices. D’abord parce qu’une stratégie de mécanisation non optimisée renchérit les reprises d’exploitation et des installations. Elle nuit à leur transmissibilité, comme a pu le souligner un récent rapport de la Cour des Comptes [2]. Ensuite parce que derrière la machine, il y a des hommes et des femmes qui font face à un déficit de conseil indépendant (1 conseiller pour 25 vendeurs de machines), qui ne sont pas encouragés par le système à travailler davantage ensemble pour optimiser le poste machines. Enfin, parce que les récentes prises de position de certains acteurs, pour encourager la régie de fermes au prétexte de faire baisser le coût de mécanisation, réinterrogent tant le sens d’un métier et la vocation qui va souvent avec, que les enjeux de renouvellement des générations.
Il est temps que l’ensemble des acteurs publics et privés qui font l’agriculture, à commencer par les usagers de ces machines, se mettent autour de la table. L’objectif est de se redonner une trajectoire pour qu’elles soient au service de la compétitivité des agriculteurs, de la sobriété, du renouvellement des générations, de la santé des sols, et de l’environnement. Il y a un volet machine derrière chaque sujet d’enjeu pour l’agriculture. Ministre de l’agriculture, de l’économie, députés, sénateurs, élus de collectivités, nous appelons les responsables publics, comme les responsables agricoles, à se réemparer en urgence du sujet du machinisme agricole.
[1] Crise agricole : les angles morts des réponses à la crise agricole , Dominique Potier, Fondation Jean Jaurès, février 2024
[2] Rapport “la politique d’installation des nouveaux agriculteurs et de transmission des exploitations agricoles”, Cour des Comptes, 2023