La modulation intra-parcellaire, comment ça marche ?

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La modulation intra-parcellaire est une étape clé de l'agriculture de précision. Elle permet d'adapter les opérations culturales en fonction de l'hétérogénéité intra-parcellaire. Mais l'art de mettre "la bonne dose, au bon endroit, au bon moment" relève de la mise en place d'une stratégie bien établie. De nombreux acteurs interviennent pour aboutir aux cartes de préconisation, gérer la transmission de la carte au matériel et appliquer la consigne au champ. Comment ça se passe ? Plusieurs méthodes existent. Cap sur l’offre Fertilio e-RM, déployée par la coopérative Terrena avec le témoignage d’un agriculteur en cuma qui pratique la modulation intra-parcellaire de semis.

L’analyse des parcelles ne s’arrête pas à l’étude du végétal. Les différences de croissance des plantes peuvent s’expliquer par les caractéristiques du sol (profondeur de sol, % d’argile, % de potassium, etc…) qui peuvent varier à l’échelle intra-parcellaire. Si on connaît ces variations, on peut mieux appréhender le rendement de chaque parcelle et même dans certains cas, l’améliorer.

Frédéric DANIEL – cuma du Don (44)

  • Exploitations en polyculture élevage
  • Parcelles assez grandes et très hétérogènes
  • 15 adhérents avec salarié(s) uniquement sur la partie récolte
  • Chantiers épandage, semis, pressage et pulvérisation

Equipements de la cuma  : 

  • Tracteurs équipés de consoles Isobus avec coupure de sections/tronçons/rangs
  • Guidage de précision avec SF3 John Deere 
  • Pré-programmation des consoles avec les caractéristiques des différentes exploitations rentrées dans les consoles depuis 2020

Groupe semis : 

  • 15 adhérents, tous utilisent l’autoguidage et ⅓ vont jusqu’à la modulation

Surfaces semées : 

  • 600 ha/an
  • céréales (maïs, orge, blé, triticale, …)
  • pas de modulation en légumes

Matériels semis : 

  • 2 semoirs monograine électriques Monosem NG plus 4 – 25 €/ha combiné herse rotative
  • 3 semoirs à céréales électriques Lemken Solitair 9 – 25 €/ha combiné herse rotative
1. Déterminer le potentiel du sol grâce aux données issues de cartes de résistivité combinées à des analyses de sol
1.1.
Acquisition de la donnée brute

IDENTIFIER L’HETEROGENEITE DE LA PARCELLE GRACE AUX CARTES DE RESISTIVITE ET LA QUALIFIER AVEC DES ANALYSES DE SOL

Cartes de résistivité et de sol – Terrena

Cartes de résistivité et de sol – Terrena

La résistance électrique correspond à la capacité du sol à s’opposer au passage du courant électrique. Elle dépend d’un très grand nombre de paramètres (essentiellement la nature et température du sol, teneur en eau, granulométrie, …) et apporte des indications essentielles sur l’hétérogénéité de la parcelle. Pour qualifier cette hétérogénéité, des analyses de sol vont êtres réalisées dans des zones jugées pertinentes. Elles vont permettre de déterminer la composition chimique du sol (bore, pH, potassium, magnésium, phosphore, calcium), la réserve utile et sa granulométrie.

Intérêt des analyses pédologiques – Terrena

FRÉQUENCE D’INTERVENTION ET COÛT DE CES PRESTATIONS

Pour un rapport optimal précision/coût, on compte généralement moins de 5 prélèvements de sol par hectare. Les analyses de sol doivent être réalisées tous les 5 à 10 ans tandis que les cartes de résistivité ne sont à réaliser qu’une seule fois – le résistivimètre doit passer en post récolte de novembre à mars sur un sol portant, humide et non gelé.  Le coût pour ces interventions varie entre 100 et 150 €/ha.

NB : Il existe d’autres méthodes basées sur la télédétection. Le logiciel de CropView Claas (365Farmnet) utilise les images satellites Sentinel-2 pour créer une carte de potentiel en faisant une moyenne de l’ensemble des cartes de biomasse disponibles sur une période donnée. A dire d’expert, l’agriculteur peut déselectionner les prises de photos-satellites qu’il trouve incohérentes. Plus récemment, la start-up Précifield annonce sa capacité à proposer de la cartographie des sols permettant de visualiser les variations de texture et du taux de matière organique à l’échelle intra parcellaire à partir d’informations satellitaires uniquement.


2. Transformer la donnée brute en information

INTERPRÉTATION CROISÉE DES CARTES DE RÉSISTIVITÉ, ANALYSES DE SOL ET DONNÉES D’EXPLOITATION

Cartes d’interprétation de la composition du sol – Terrena

L’étude des cartes de résistivité couplée aux informations pédologiques, météorologiques et aux données d’exploitation permet à Terrena d’élaborer les cartes de préconisation de dose. Dans notre exemple, les données d’exploitation correspondent à des informations d’assolement, variété de semence, date de semis et objectif de rendement. Ces préconisations sont proposées à l’agriculteur qui peut les ajuster en cas de besoin via le logiciel Terrena.

“On reste quand même le maître d’œuvre de nos activités. On connaît nos terres. Les années se suivent mais ne se ressemblent pas non plus.” Frédéric DANIEL, cuma du Don (44)

Lorsque les préconisations sont validées par l’agriculteur, les données sont mises sur une clé USB pour être transférées sur la console du tracteur.  Attention, cette manipulation n’est pas toujours évidente à réaliser : un accompagnement est fortement recommandé la première année.


3. Témoignage de Frédéric Daniel de la cuma du Don (44)

Origine de la démarche:

La cuma du Don est un groupe assez pointu et curieux des nouvelles technologies. Tous les adhérents utilisent l’autoguidage et les coupures sur les matériels mais une partie seulement exploite le potentiel de modulation. Les raisons sont diverses mais en aucun cas l’autre partie des adhérents ne freine sur l’évolution du matériel. En 2010, les concessionnaires locaux cherchaient à acquérir des références en modulation de fertilisation minérale azotée et Terrena proposait un encadrement.

La première année, la modulation d’épandage d’engrais avec épandeur centrifuge ne fonctionnait pas. Les techniciens des concessionnaires se formaient en même temps que les adhérents de la cuma et l’Isobus n’était pas tout à fait maîtrisé.  Ils étaient, en tous cas, très à l’écoute des évolutions. Cinq ans plus tard, la cuma se lance en modulation de semis de céréales avant d’investir dans un semoir monograine (maïs et légume) à distribution électrique pour moduler les semis de maïs.

Ce que retient la cuma :

“Est-ce qu’il faut chercher à avoir le maximum de rendement ou est-ce qu’il faut avoir un rendement moyen et mettre moins d’intrants ? Aujourd’hui on calcule nos marges régulièrement. […] En semence, c’est impressionnant comme on peut faire des grosses économies.” Frédéric Daniel, président de la cuma du Don

Les plus

Les moins

Conditions de réussite

Semis adaptés au potentiel des terres

Réduction d’intrants

Amélioration des marges

Temps d’appropriation

Panne généralement insoluble par soi-même  

Pas assez de référence en légumes : pas de modulation de semis sur ces productions

Entraide entre les adhérents

Accompagnement

Balance à faire entre la maximisation des rendements et l’apport d’intrants

Caractéristiques d’exploitations pré rentrées dans les consoles (PAC) 

Ne pas se reposer à 100% sur les données cartographiques

Réflexions en cours et perspectives :

Attention : la cartographie de rendement d’une parcelle est un moyen de mettre en évidence une variabilité du milieu. De nombreux facteurs déterminent le rendement, ce qui explique les limites de cette méthode qui ne permet pas de déterminer la composition du sol mais qui est complémentaire.

Lien entre la cuma et l’accessibilité au matériel :

“Le gros avantage de la cuma, quand un matériel nous satisfait pas, ça permet de le changer parce qu’on arrive à amortir sur un gros volume, ce qui diminue les coûts et on peut renouveler plus souvent et avoir la possibilité d’être à la dernière technique sortie. Si on l’avait investi dans l’exploitation, on ne renouvellerait pas aussi souvent. Et chacun apporte ses idées et ses orientations.” Frédéric DANIEL, cuma du Don