Charges de mécanisation sous pression : le climat fait-il grimper la facture ?

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L’agriculture n’échappe pas à la réalité du changement climatique. Entre sécheresses et épisodes pluvieux intenses, les élevages devront s’adapter pour rester performants et résilients. Mais ces adaptations ont-elles un impact sur les charges de mécanisation ? Une étude menée à partir de cinq scénarios de systèmes d’exploitation nous livre les tendances.

Plusieurs scénarios, un défi commun : s’adapter au climat de demain

L’idée est simple : partir d’un système d’exploitation actuel et le projeter dans un climat de 2056 (aléa printemps sec, été humide) pour évaluer son adaptation et identifier les leviers à actionner pour renforcer sa résilience.
Cinq groupes d’éleveurs ont travaillé sur cinq cas-types représentatifs de leurs exploitations. La simulation a été réalisée grâce au Rami Fourrager, un jeu sérieux développé par l’INRAE et l’Idèle. Cet outil a permis de simuler les impacts du changement climatique sur les exploitations et d’explorer collectivement différentes stratégies d’adaptation.

S’adapter, oui ! Mais à quel prix ?  

Faire évoluer les pratiques pour s’adapter, c’est une chose… Mais qu’en est-il des coûts de mécanisation ? Adapter son système, c’est souvent repenser ses cultures, son assolement, ses itinéraires techniques. Ces changements ont-ils un impact sur la mécanisation ?

Pour mettre des chiffres sur tout ça, on a utilisé Mécaflash. Cet outil gratuit permet initialement aux agriculteurs d’estimer les charges de mécanisation optimales pour leur exploitation. En d’autres termes, il définit un seuil de référence : si la mécanisation est optimisée au maximum, voilà le coût attendu. L’agriculteur peut alors se situer et identifier des marges d’optimisation.

Dans notre étude, on a détourné l’outil pour mesurer comment les coûts de mécanisation évoluent quand on fait évoluer un système agricole. L’objectif n’était pas de donner des chiffres absolus, mais de comparer les tendances : quels systèmes voient leurs coûts augmenter ? Quels leviers permettent de les réduire ?

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Scénario 1 : Exploitation vaches laitières en conventionnel, secteur Vendée, 40% maïs sur SFP

Attention : dans les projections climatiques futures, les rendements de maïs vont baisser. À surface équivalente, cela signifie que le coût unitaire de production augmentera.
Caractéristiques du système initialLeviers choisisNouvelles caractéristiques du système adapté au climat projetéEvolution du chargement apparent (UGB/ha SFP)
91 ha dont 26 ha de blé40% de maïs sur SFP
73 VL à 8000l
prairie multi espèces, prairies sous couvert de méteil, augmenter le pâturage, moins de céréales, méteil ensilé ou RGI avant maïs, RGH-TV fauché88% de SFP sur SAU
32% de maïs sur SFP
8000l
1,9 🡺 1,5
Scénario initialScénario adapté
Traction €/ha148143
Travail du sol €/ha3030
Semis, fertilisation, traitements €/ha6763
Transport et manutention €/ha123123
Récolte €/ha135129
Carburant €/ha194188
Total €/an6332061465
Total €/ha696675
Total heures tracteurs / an13891317

Les économies réalisées via la réduction des surfaces céréalières et maïs compensent les hausses de coûts liées à l’intégration de dérobées et de méteil sous couvert de prairie, maintenant les charges de mécanisation à un niveau équivalent. Concernant le temps passé sur le tracteur, une légère tendance à la baisse – 5%, est observée dans cet exemple : 72h soit l’équivalent de 2 semaines de travail à 35h ! 

Scénario 2 : Exploitation vaches laitières en agriculture biologique, secteur Loire-Atlantique, 17% maïs sur SFP

Attention : dans les projections climatiques futures, les rendements de maïs vont baisser. À surface équivalente, cela signifie que le coût unitaire de production augmentera.
Caractéristiques du système initialLeviers choisisNouvelles caractéristiques du système adapté au climat projetéEvolution du chargement apparent (UGB/ha SFP)
146 ha dont 21 ha de méteil grain17% de maïs sur SFP
94 VL à 7000l
prairie multi espèces, méteil ensilé, réduction du taux de renouvellement et de l’âge au premier vêlage, RGH-TV fauché, diminution durée de vie des prairies temporaires
86% de SFP sur SAU
20% de maïs sur SFP
7000l
1,2 🡺 1,1
Scénario initialScénario adapté
Traction €/ha101108
Travail du sol €/ha1924
Semis, fertilisation, traitements €/ha3237
Transport et manutention €/ha9189
Récolte €/ha8492
Carburant €/ha131141
Total €/an6882271646
Total €/ha458491
Total heures tracteurs / an16041641

La tendance est à la hausse, portée par l’augmentation des surfaces de maïs et du coût de sa récolte, ainsi que par l’intégration du méteil ensilage, l’implantation d’une culture d’automne étant onéreuse. Le temps passé sur le tracteur est inchangé. 

Scénario 3 : Exploitation vaches laitières en agriculture biologique, secteur Loire-Atlantique, 100% herbe

Caractéristiques du système initialLeviers choisisNouvelles caractéristiques du système adapté au climat projetéEvolution du chargement apparent (UGB/ha SFP)
89 ha dont 9 ha de méteil grain100% herbe
59 VL à 5000l
augmentation du pâturage, prairies sous couvert de méteil
93% SFP sur SAU
100% herbe
5000l
0,9 1
Scénario initialScénario adapté
Traction €/ha8477
Travail du sol €/ha911
Semis, fertilisation, traitements €/ha2121
Transport et manutention €/ha8165
Récolte €/ha8967
Carburant €/ha10896
Total €/an3490529959
Total €/ha392337
Total heures tracteurs / an901794

Sans surprise, la tendance est à la baisse – 14%. L’augmentation du pâturage réduit les besoins en mécanisation dans un système déjà très optimisé. La principale baisse des coûts concerne les opérations de récolte. Le temps passé sur le tracteur suit la tendance avec une diminution de 12%. 

Des choix à faire face à l’incertitude climatique

Ce que l’on observe dans ces scénarios, ce sont des tendances fortement influencées par le type de système agricole adopté et les choix de l’exploitant. Certains systèmes, comme les modèles herbagers, bénéficient déjà d’une mécanisation optimisée, ce qui limite l’impact du changement climatique sur les coûts.

À l’inverse, la culture du maïs soulève des interrogations. En raison de coûts d’implantation et de récolte particulièrement élevés, toute variation climatique (sécheresse, humidité excessive) risque d’amplifier ces dépenses. L’introduction de nouvelles cultures peut constituer une solution de diversification, mais elle entraîne aussi une hausse des charges de mécanisation et du temps de travail. Ces augmentations de coût doivent être mises en perspective avec le coût de l’inaction face au changement climatique. Par ailleurs, certains agriculteurs pourraient préférer réduire leur production laitière lors d’années sèches plutôt que de complexifier leur système pour maintenir le niveau de production.

Face à ces défis, le collectif joue un rôle clé. Les agriculteurs peuvent accéder à du matériel plus performant et précis, ainsi qu’à des équipements de grande largeur, permettant d’optimiser le débit de chantier et de répondre aux fenêtres d’intervention de plus en plus courtes. Au-delà de la mutualisation des investissements, la solidarité et l’entraide entre adhérents facilitent l’organisation des chantiers et contribuent à améliorer l’efficacité globale des exploitations.

Le collectif, un levier face au changement climatique

https://www.entraid.com/articles/face-aux-aleas-climatiques-le-collectif-joue-son-role

https://www.entraid.com/articles/collectif-changement-climatique

Le projet ClimatVeg (2021–2025), porté par Végépolys Valley et cofinancé par les Régions Pays de la Loire, Bretagne et l’ADEME Bretagne (budget : 5,4 M €), vise à adapter les systèmes au changement climatique. La tâche 1.4 se concentre sur l’atténuation et l’adaptation des pratiques en systèmes fourragers.